WHEN WE WERE YOUNG 

Quand on était jeunes

Quand on était jeunes, on pouvait pisser contre le mur des chiottes des garçons,

Dans une grande étendue de poix, ou de goudron, ou ce qui y ressemblait.

Ça n’a plus beaucoup d’importance maintenant.

Et les batailles avec les filles avant l’avènement de l’effroi et du trouble de la puberté.

Les slips raides et poisseux dans l’aube rugissante de l’adolescence. 

Comme c’est innocent et cruel

D’essuyer les plâtres des premiers émois dans les vestiaires de Mai

Où en es-tu à présent ? Ne réponds pas.

Je suis toujours laid,

Tu es resté gros,

J’ai toujours des boutons d’acné

La peur ne m’a pas quitté

Nos parents ont fait de nous ce que l’on est

Ou bien est-ce Dieu ?

Il s’en fout, c’est vraiment, vraiment du passé.

 

DEJA VU

Si j’avais été Dieu,

J’aurais réarrangé les veines sur le visage

Pour les rendre plus résistantes

A l’alcool et moins enclines au vieillissement.

Si j’avais été Dieu,

J’aurais engendré plein de fils

Et je n’aurais pas supporté

Que les romains tuent un seul d’entre eux.

Si j’avais été Dieu,

Avec mon état-major et ma baguette,

Si on m’avait donné le feu vert,

Je pense que j’aurais accompli un meilleur travail.  

Et si j’étais un drone,

Qui survole les cieux étrangers

Avec mes yeux électroniques pour me guider,

Et l’effet de surprise,

J’aurais été effrayé

De trouver quelqu’un chez lui,

Peut-être une femme aux fourneaux,

En train de faire cuire du pain, de cuisiner du riz,

Ou juste en train de faire bouillir des os,

Si j’étais un drone.

Les temples sont en ruines,

Les banquiers s’engraissent,

C’est la fin des bisons,

Et les montagnes s’affaissent.

Toutes les truites de la rivière sont hermaphrodites,

Tu penches vers la gauche, mais tu votes à droite,

Et ça sent le déjà-vu

Le soleil se couche et tu me manques toujours.

Je mesure le prix de l’amour que nous avons perdu

Et sous mon Gulf Stream, dans ces piscines toutes rondes,  

Les pochetrons et les imbéciles

Ne valent pas un kopek.

THE LAST REFUGEE – La dernière réfugiée

Et c’est également la fin de nos programmes pour ce jeudi

La fin de nos programmes pour cette année 1970.

Une très forte grêle de puissance 7 à 6 sur l’échelle d’Humber

De la pluie, puis des averses, de modérées à faibles, puis plus clémentes.

A l’extrême sud, une tempête de force 6 à 8, pouvant parfois atteindre un niveau 9.

Au troisième coup, il sera 11 H 24 et 50 secondes,

Au troisième coup, il sera exactement 11 H 25.

Vous êtes sur la BBC

Au troisième coup, il sera exactement 8 H 57.

A l’extrême nord-ouest, des pluies variables d’intensité 4 ou 5,

Principalement au nord du sud-est

Nous vous souhaitons une bonne année à tous

Au troisième coup, il sera exactement 11 H 25.

Bonne nuit à tous.

Allons-nous coucher à présent

Sous les cieux couleur des citronniers

Montre-moi ton timide et frêle sourire, caché par ces yeux d’un marron tendre.

Je capture la douce hésitation des lèvres à peine ouvertes

Et je m’émerveille de nos amours, de cette tendre douleur et du battement rapide de mon cœur.

Oh, cette rapsodie me tord les tripes.

Et je rêvais que je disais adieu à mon enfant.

Elle posait un dernier regard vers la mer

En venant à bout de ses rêves.

A genoux, par les houles d’un océan tiède,

Des belles étaient en train de se baigner

Doux sous les dures morsures, les obus font exploser leurs I phones

Effaçant ainsi les numéros d’anciens amants,

Et tu trouveras mon enfant

Sur le rivage

En train de creuser pour trouver une chaîne, un os,

Et de fouiller dans le sable en quête d’une relique rejetée par la mer.

WAIT FOR HER – Je l’attends

Un verre incrusté de pierres précieuses à la main,

Autour d’une piscine, un soir,

Parmi les roses parfumées,

Je l’attends.

Avec la patience d’un mulet chargé pour les montagnes

Tel un prince noble et stoïque,

Je l’attends.

Avec sept oreillers étalés sur l’escalier,

Avec, flottant dans l’air, l’odeur de parfums de femmes,

Rester calme, et l’attendre. 

Et sans chasser les moineaux qui nichent dans ses tresses,

Le long des barricades.

Je l’attends.

Qu’elle arrive, tôt ou tard,

Je l’attends.

Je la laisse tranquille, tel un après-midi d’été,

Un jardin en fleurs.

Je la laisse respirer dans cet air étranger à son cœur

Je la laisse entrouvrir ses lèvres

Je l’attends.

Je l’emmène jusque sur le balcon, voir la lune imbibée de lait

J’entends le murmure de sa soie,

Je l’attends.

Ne laisse pas tes yeux se poser sur les colombes jumelles de sa poitrine

A moins qu’elles ne s’envolent,

Attends-la.
Qu’elle arrive, tôt ou tard,

Je l’attends.

Je lui sers de l’eau avant de lui verser du vin

Je ne touche pas sa main,

Je laisse mes doigts répondre à ses demandes.

Je parle doucement, comme une flûte parlerait à un violon apeuré

J’expire, j’inspire.

Et, tandis que l’écho faiblit par cette ultime fusillade,

Tes promesses, je m’en souviens.

PICTURE THAT – Imagine

Imagine-toi en train de te pencher à la rampe du chemin de fer

En train de jeter ta dernière cigarette.

Imagine ton doigt en train d’appuyer sur la sonnette.

Imagine le crâne et les têtes de mort sur le paillasson

Imagine-toi dans les rues de Laredo,

Imagine la casbah, imagine le Japon,

Imagine ton gamin qui a son doigt sur la gâchette.

Imagine un tribunal sans ces putains de lois

Imagine un bordel sans ces putains de prostituées

Imagine cette maison de merde sans ces putains de canalisations

Imagine un leader sans ces putains de cerveaux,

Sans ces putains de cerveaux, sans ces putains de cerveaux,

Sans ces putains de cerveaux, sans ces putains de cerveaux,

Sans ces putains de cerveaux, sans ces putains de cerveaux,

Sans ces putains de cerveaux, sans ces putains de cerveaux.

Suis-moi en train de me filmer pendant mon spectacle

Au téléphone, assis dans un fauteuil au premier rang.

Suis Miss Univers en train de se faire bronzer

Dommage que tu ne sois pas avec moi sur la baie de Guantanamo.

Imagine un siège dans un avion privé

Imagine tes pieds manucurés posés sur le sol

Imagine un équipage clairement cinglé

Imagine qu’il n’y ait pas de fenêtres, ni de portes.

Collés à un écran dans l’état du Nevada

Poursuivre le rêve devient de plus en plus difficile.

Je l’imagine en train d’emballer un cadeau pour le mariage,

Je l’imagine en train de faire bouillir de l’eau pour le thé,

J’imagine les gamins en train de monter sur la banquette arrière

J’imagine ma main en train de tourner la clé

Oh, imagine !

Imagine le chien dans le pickup devant nous,

Imagine l’arbre qui borde la route

Imagine mes mains qui s’engourdissent avec le froid

Le froid, le froid

Le froid, le froid

Le froid, le froid

Le froid, le froid

Suis-moi jusqu’à un endroit près de la rivière

J’ai vendu mes reins, j’ai vendu mon foie

Pourquoi si faible, autant dans le besoin,

Il n’y a rien de tel que d’être trop gourmand.

BROKEN BONES – Des os broyés

Parfois je regarde le ciel nocturne

Et je les vois, ces étoiles, à des milliards d’années-lumière.

Je me sens tout petit comme un insecte sur un mur.

Qui s’en soucie après tout ?

Qui s’en soucie ?

A la fin de la Seconde Guerre Mondiale

Comme l’ardoise n’a jamais vraiment été effacée,

On aurait pu trier leurs os broyés

On aurait pu être libres.

Mais on a choisi d’adhérer à l’abondance

On a choisi le Rêve Américain.

Et, oh, Maîtresse Liberté,

Comme on t’a abandonnée

(Comme on t’a abandonnée)

Et, oh, Maîtresse Liberté,

Comme on t’a abandonnée.

Il aurait pu être né à Shreveport,

Ou à Téhéran,

L’endroit où tu es né n’a pas beaucoup d’importance

Les enfants en bas âge ne nous veulent pas de mal

On doit leur apprendre à nous mépriser

A manier les bulldozers pour détruire nos foyers,

A croire que leur combat, c’est pour la liberté,

A croire que leur Dieu leur permettra de rester sains et saufs

(Sains et saufs, sains et saufs).

On ne peut pas remonter le temps,

On ne peut pas revenir en arrière,

Mais on peut leur dire « allez-vous faire foutre, on ne va pas écouter

Vos conneries et vos mensonges,

Vos conneries et vos mensonges ».

SMELL THE ROSES - Renifle les roses

Un chien fou tire sur sa laisse,

Une pointe de danger dans ses yeux

Des sirènes d’alarmes font rage dans son cerveau

Et une cheminée fume dans le ciel.

Lève-toi, lève-toi et renifle les roses

Ferme les yeux et prie pour que le vent ne tourne pas.

Il n’y rien d’autre que des hurlements dans le champ des rêves,

Rien d’autre que l’espoir à l’autre bout de la corde

Rien d’autre que de l’or dans la fumée des cheminées,

Viens par ici, chérie, c’est un trésor.

Voici la pièce où on fabrique les explosifs

Où on inscrit ton nom sur les bombes

C’est ici qu’ils enterrent les « mais » et les « si » et

Où ils barrent les noms comme « bien » et « mal ».

Lève-toi, lève-toi et renifle le phosphore

C’est ici qu’on garde les cheveux humains.

Ne pose pas de questions, ne parle pas, on pourrait courir à notre perte.

Oui, il y a un petit peu moins de cash dans la planque,

Dans l’armoire au-dessus de l’escalier

L’argent, chérie.

Lève-toi, lève-toi et sens l’odeur du bacon

Passe tes doigts gras dans tes cheveux

C’est la vie que tu as pris.

Juste une ligne dans le journal d’un capitaine

Juste un chien qui gémit

Et encore un gosse qui a échoué.

Allez, chérie, c’est un marché équitable.

Lève-toi, lève-toi et renifle les roses

Jette sa photo dans le bûcher funéraire

Maintenant on peut oublier la menace qu’elle constitue

Tu sais bien que tu ne pouvais pas aller bien haut.

 

PART OF ME DIED 

Une part de moi est morte

La part qui est envieuse, insensible et déviante,

Avide, méchante, radicale, autoritaire,

Assoiffée de sang, aveugle, sans scrupules et radine,

Obsédée par les frontières et le massacre des moutons,

Par les livres brûlés et les maisons par les bulldozers écrasées

Objets de cibles par des drones,

Par les injections létales, les arrestations sans procès.
Par une vision monoculaire, la gangrène et la bave,

Par l’onction, le sarcasme, l’outrage,

Les tueurs héroïques auto-suffisants,

Portés aux nues.

Par les alertes au piratage, les attaques à l’acide

Sur des femmes, par des brutes, des pervers et des manipulateurs

Par la falsification des bulletins de vote et par le pouvoir acheté.

Par les mensonges du clergé,

Les viols dans la douche,

En toute impunité,

Sans aucun sentiment de honte,

Corpulent, important,

Lubrique, dérangé.

Assis au coin à regarder la télé

Sourd aux hurlements des enfants qui souffrent

Apathique face à ce monde,

En se contentant de regarder le jeu se dérouler.

Et en regardant se répéter à l’infini, sans le voir, sans réfléchir,

Dans le silence, l’indifférence,

L’ultime crime.

Mais, quand je t’ai rencontrée, cette part de moi est morte.

Elle m’a apporté une bassine pour te laver les pieds,

Elle m’a fait fumer ma dernière cigarette.

Je préfère ainsi, de loin, mourir dans ses bras

Que de me traîner dans toute une vie de regrets.  


IS THIS THE LIFE WE REALLY WANT ?

Est-ce la vie que nous voulons vraiment ?

[Intro: Extrait d’un discours de Donald Trump]
Vous, pour prendre un exemple, vous êtes CNN : c’est histoire, après histoire, après histoire, c’est nul. J’ai gagné. J’ai gagné. Et l’autre chose, le chaos. Il n’y a pas le moindre chaos. Nous continuons. C’est une machine bien hui ….

La dinde s’est engraissée

Avec du caviar dans des bars chics,

Avec les prêts subprime

Et les foyers brisés.

C’est ça la vie, le Saint Graal ?

Nos succès ne nous suffisent pas,

On a encore besoin des autres pour échouer.
La peur, la peur fait tourner les moulins de l’homme moderne

La peur nous maintient en rang

La peur de tous ces étrangers

La peur de tous leurs délits

C’est ça la vie qu’on veut ? (Qu’on veut, qu’on veut, qu’on veut, qu’on veut).

Oui, ce doit être ça,

Puisqu’on est en démocratie et que notre parole compte.  

Et, pendant ce temps, un étudiant est écrasé par un tank

Pendant ce temps, on oblige un chien pirate à affronter le danger

Pendant ce temps, une jeune mariée russe est proposée à la vente

Pendant ce temps, un journaliste est envoyé moisir en prison.

Pendant ce temps, une jeune fille vie sa vie en toute nonchalance,

Et un abruti devient Président.

Pendant ce temps, quelqu’un meurt en prenant ses clés

Et à chaque fois que le Groenland tombe sur la putain de mer, c’est parce-que

Nous tous, les noirs, les blancs,

Les Chicanos, les Asiatiques, chacune des races d’un groupe ethnique,

Y compris ceux de Guadeloupe, les vieux, les jeunes,

Les vieux sans dents, les top models, les acteurs, les pédés, les cœurs blessés,

Les stars du foot, les piliers de bars, les blanchisseuses, les tailleurs, les queutards,

Les grand-mères, les grands-pères, les oncles, les tantes
Les amis, les connaissances, les clochards,

Les religieux, les camionneurs, les femmes de ménages,

Les fourmis – les fourmis, peut-être pas

Et pourquoi pas les fourmis ?

Eh bien, parce qu’il est vrai

Que les fourmis n’ont pas assez de QI pour faire la différence entre

La douleur ressentie par nos pairs

Et, euh, par exemple, celles ressenties par des feuilles que l’on découpe

Ou bien celle qui consiste à grimper le long des rebords de fenêtres

En quête d’une boîte de mélasse ouverte.

Alors, on est que des crétins, comme les fourmis ?

C’est pour ça qu’on ne ressent ni ne voit rien ?

Ou peut-être qu’on est juste devenus débiles par la télé-réalité ?
Donc, à chaque fois d’un rideau se baisse,

Chaque fois qu’un rideau se baisse sur une vie oubliée,

C’est parce qu’on reste là, muets et indifférents.

C’est normal.

 

BIRD IN A GALE – L’oiseau sous une tempête

Souffles-tu comme un oiseau

sous une tempête ?

Est-ce que la douleur de ta perte s’insinue dans ton plumage comme la pluie ?

Est-ce que les barreaux de ta cage sont trop bas ou trop froid au toucher ?

Mes caresses étaient-elles trop douces ?

Est-ce que je t’aimais trop ?

Le chien gratte à la porte

Le garçon se noie dans la mer

Puis-je m’effondrer sur ton sol ?

Le huard hurle à la mer

Puis-je m’effondrer sur ton sol ?

Y-a-t-il de la place pour moi dans l’histoire ?

 

THE MOST BEAUTIFUL GIRL 

La plus belle fille

Elle avait beau être la plus belle fille du monde

Sa vie a brutalement pris fin,

Comme un bulldozer qui écrase une perle.

Le comité secret, bien caché au fond de son antre,

Bien loin de l’air glacial du désert,

Mets un tic-tac dans une boîte

Tourne la clé dans une serrure

Pour libérer les liens dans ses cheveux.

Endors-toi si tu le peux

Bien à l’abri, enveloppée dans ta cape.

Le crépuscule en ruines,

La fumée du havane

Qui te prend à la gorge.

La danse de Maîtresse Liberté

T’a entraîné dans sa trance.

Sa poitrine était chargée de nectar et de dentelles.

« Eh bien, les garçons », dit-elle,

« Vous avez brisé la confiance.

Accrochez-vous à cette canne s’il le faut ».

Pour la première fois, mets tes doigts

Sur cette rune de creuset

Le mélange de cendres

Nettoie les restes de l’amour comme un balai.

La folie descend

Comme le fou des âges

La rage des anges

La cathédrale d’étoiles.

Christopher Robin dit à Alice

« Rentre chez toi maintenant.

Ils ne vont plus changer le garde ».

« Attendez », lui répondit-elle

« Vous me brisez le cœur ».

C’est bizarre comme les rails d’acier

Disparaissent dans l’obscurité.

Ils s’accrochent à la tour d’ivoire de ses tresses

Ils n’ont jamais craint de tomber

Mais la bombe a atteint les lieux quand les nombres se sont arrêtés,

Et la dernière chose qu’ils ont entendue fut son appel …  

Ma maison,

Ma maison, je rentre chez moi

Je suis la vie que vous avez donnée

Je suis les enfants que vous sauvez

Je suis la promesse que vous avez prononcée

Je suis la femme que vous désirez.

Alors, attendez

Je rentre à la maison.

(Attendez, je rentre à la maison).

OCEANS APART – Océans séparés

Elle a toujours été présente dans mon cœur

Elle a toujours été l’amour de ma vie.

Nous étions des étrangers, océans séparés,

Mais quand j’ai posé mes yeux sur elle,

Une part de moi est morte.